En plus de la parution du coffret 20 CDs The Legacy of Quincy Jones, le documentaire I Love Quincy réalisé par Éric Lipmann en 1984 refait surface en HD. Plus de 40 ans après sa première diffusion, LCP programme cette nouvelle version le dimanche 14 décembre, avec en bonus une discussion animée par Patrick Cohen (Rembob’INA).
Quand Quincy Jones accorde sa confiance à Éric Lipmann pour réaliser un portrait sur sa vie, le producteur est alors à son zénith créatif et commercial : il vient de co-produire Thriller de Michael Jackson, qui s’apprête, en 1983, à devenir la meilleure vente d’albums de tous les temps. La collaboration entre Lipmann et Jones pour ce film unique dans leurs carrières respectives n’est pas un hasard. En 1956, Éric Lipmann est un des premiers animateurs d’Europe 1. L’année suivante, il rencontre Quincy Jones lorsque ce dernier séjourne en France. Le jeune musicien suit alors les cours de Nadia Boulanger et assume ses fonctions de directeur artistique des disques Barclay.
En 1961, une fois rentré aux États-Unis, Quincy devient vice-président de Mercury Records : il est le premier afro-américain à occuper un tel poste. Son ami Henry Mancini le co-opte pour un projet de B.O de film : en signant la musique du Prêteur sur gages (Sidney Lumet, 1964), il fait tomber une autre barrière raciale en devenant le premier compositeur noir à Hollywood.
Producteur multi-facettes, arrangeur de génie, dénicheur de talent doté d’un flair infaillible, la force créative de Quincy Jones nourrit les temps forts de la culture pop du 20ème siècle. Aussi bien à l’aise en produisant Sarah Vaughan ou en remixant New Order, rien ne lui résiste Il y a autant de vies de Quincy Jones que de collaborateurs de tous horizons qui ont croisé sa route.
I Love Quincy fige pour l’éternité une galerie de mini-portraits des amis de Quincy. Ils racontent leur ami, avec une seule condition imposée par Éric Lipmann : chacun doit livrer une prestation, comme pour rythmer cet hommage à une carrière déjà très complète. Ainsi, Herbie Hancock s’adonne à une démonstration étincelante au Fairlight, non sans prédire l’importance croissante des machines sur la créations musicale, Stevie Wonder fait ses gammes sur un hommage improvisé, tandis que Michael Jackson se laisse filmer pendant le tournage du mythique clip “Thriller” – la seule interview accordée par le Roi de la Pop pour la télé française.
I Love Quincy est diffusé pour la première fois en France en 1984 dans Les Enfants du Rock, qui ne se gène pas pour récupérer ce projet initié par Éric Lipmann. De nombreux obstacles ont longtemps tenu le film loin des chaînes et du circuit de la vidéo. Seuls quelques maigres extraits ont été utilisés dans quelques documentaires consacrés à Jackson ou Jones, parfois sans autorisation. En 2018, Q et son équipe piochent dans le film de Lipmann pour nourrir le documentaire Quincy, diffusé sur Netflix. Le temps a fini par faire son œuvre : le négatif en Super 16mm du film, porté disparu pendant de longues années, est localisé puis restauré par l’INA. De son côté, Lipmann récupère l’intégralité des droits liés à son œuvre : les planètes s’alignent enfin pour donner à I Love Quincy une seconde vie.
En visionnant cette version restaurée, les évidences sautent aux yeux : non seulement le documentaire est un hommage haut de gamme à Quincy Jones, mais il témoigne aussi d’une Amérique disparue, fière, proactive, nourrie de talents musicaux qui, à l’époque, résonnent à travers le planète. Le tout dans une industrie du disque encore florissante, sur le point de commercialiser le CD, dernière technologie qui permet de distribuer la musique sous forme physique en masse pendant que les maisons de disques ont encore les moyens de développer de nouveaux artistes. Une époque révolue dont Quincy a été l’un des acteurs décisifs.
Richard Lecocq
Diffusions sur LCP :
- Dimanche 14 décembre à 20h40
- Samedi 20 décembre à 14h
- Et en replay sur LCP.fr, la chaîne YouTube, france.tv et TF1+ jusqu’au 02/01/2026

