
Amy Winehouse “Back to Black” (documentaire)
« Le public a retenu la voix d’Amy, mais il oublie souvent qu’elle écrivait seule ses propres chansons », commente à juste titre le producteur Salaam Remi dans le documentaire Back to Black consacré aux deuxième —et ultime—album d’Amy Winehouse. Étrangement privé du logo de l’inestimable série Classic Albums, cet épisode signé Jeremy Marre s’inscrit pourtant dans la lignée de ses prédécesseurs en validant l’importance d’un long-playing incontournable des années 00.
En 52 minutes, Mark Ronson et Salaam Remi, les deux artisans de Back to Black, retracent les étapes de la création du “modern classic” paru en 2006, du songwriting à cœur ouvert de la Shangri-La de Camden Town à l’utilisation à bon escient des revivalistes soul de Daptone Records, sans oublier le subtil (et décisif !) mixage de Tom Elmhirst. Passages obligés de la collection : les sidérantes pistes isolées d’une voix-miracle et les terrassantes prises guitare-voix en cabine des néo-standards « Love is a Losing Game », « Back To Black » et du hit global « Rehab », le tout approuvé par Ronnie Spector, fan de la première heure.
En bonus, le concert inédit An Intimate Evening in London propose une performance semi-privée capturée début 2008 aux Riverside Studios de Londres. Devant famille et proches, la diva enchoucroutée façon Bobbie Gentry distille avec humour et nonchalance sa soul crève-cœur et reprend « A Message to You Rudy » et « Hey, Little Rich Girl » des Specials, quelques heures avant de décrocher ses premiers Grammy Awards sous la bénédiction de Tony Bennett. Gardons ce souvenir.
Amy Winehouse Back to Black **** (Eagle Vision/Universal). Disponible en DVD et Bluray le 2 novembre.

“Miles Ahead”
Inédit sur les écrans français et toujours absent des prévisions de sorties DVD/Blu-Ray hexagonales, Miles Ahead, le biopic de (et avec) Don Cheadle consacré à Miles Davis est disponible en import US depuis quelques jours. “Si tu veux raconter une histoire, mets-y du style”, explique le Miles fictif de Don Cheadle -remarquable dans le rôle-titre- lors d’une mise en place situant le cadre de l’action : New York, début des années 1980, au moment où Miles Davis, silencieux et reclus depuis 1975, s’apprête à effectuer son comeback. Dépêché par Rolling Stone Magazine, Dave Braden (Ewan McGregor) est chargé de raconter les coulisses d’un retour aussi mystérieux qu’inattendu, mais le vol des bandes du trompettiste déclenche une course contre la montre dans les rues de Manhattan.
De style, Miles Ahead n’en manque pas, quitte à en aborder plusieurs à la fois, du biopic traditionnel en passant par le thriller et le buddy movie. Cette ambition constitue néanmoins l’écueil principal d’un long-métrage qui ne sait pas s’il doit s’aligner sur Little Big Man (l’interview entrecoupée de flashbacks), Ray (grandeur et décadence du musicien victime de ses tentations), Superfly (deals de coke, flinguages et poursuites sur fond de guitares wah-wah), 48 heures (nos deux héros que tout oppose finiront-ils par s’entendre ?), voire Rendez-vous à Broad Street (le pitch construit autour des bandes volées).
Au rayon musical, les moments clés de la carrière du trompettiste sont présents, avec de nombreuses allusions directes ou indirectes à Agharta, Kind of Blue, Jack Johnson et Sketches of Spain, même si c’est l’histoire d’amour contrariée de Miles et son épouse Frances Taylor qui domine les sous-intrigues. Restent quelques séquences musicales réussies, dont l’enregistrement en studio de “Gone” supervisé par Gil Evans, une bande-son entièrement issue du propre répertoire de l’intéressé et, surtout, une étonnante jam finale réunissant quelques figures récurrentes des pages d’actualité du site que vous êtes en train de consulter.
Jacques Trémolin
Miles Ahead de Don Cheadle **(2015). Avec Don Cheadle, Ewan McGregor (Sony Picture Classics). DVD/Blu-Ray disponible en import US.

“Finding Fela”
Inédit dans les salles françaises, le documentaire Finding Fela réalisé en 2014 par Alex Gibney (auteur de l’excellent Mr. Dynamite: The Rise of James Brown) est enfin disponible en DVD. Pour raconter l’histoire de Fela Anikulapo Kuti, Alex Gibney a choisi pour point de départ la comédie musicale Fela !, présentée à Broadway par le célèbre chorégraphe Bill T. Jones. Les séquences de répétitions, les commentaires des participants et de nombreux extraits du spectacle en compagnie d’Antibalas (“le seul groupe américain qui me fout la trouille”, avoue Questlove) croisent des interviews avec Femi et Sean Kuti et d’autres membres de sa famille, ses amis, ses musiciens et, surtout, une importante somme d’archives tirées de 1200 heures de rushes.
En donnant la parole aussi bien à ses proches qu’à ses observateurs contemporains, Finding Fela offre un point de vue distancié sur la vie et l’oeuvre de “L’homme qui portait la mort dans sa gibecière” : Fela y est dépeint comme un personnage quasi-mythique au courage politique héroïque face à la corruption et la violente répression du pouvoir de Lagos, mais aussi comme un homme aux attitudes parfois inconséquentes, de sa polygamie XXL -27 femmes épousées simultanément- à son rapport insouciant au Sida dont il fut finalement victime en 1997. Sa collaboration mystique avec l’étrange Professeur Hindu fait également l’objet d’une sidérante mise en scène gore d’un réalisme particulièrement choquant.
“La musique est une arme !”. Le leitmotiv de Finding Fela puise sa source dans une discographie étendue et militante et décrit par le biais de Tony Allen et divers membres d’Africa 70 et Egypt 80 l’union du jazz, du highlife et de l’influence cruciale de James Brown sur la musique de Fela. Les nombreuses archives live (dont celles du concert du festival jazz de Berlin en 1978) du documentaire témoignent de la force d’un discours aussi implacable que les grooves du parrain de l’afrobeat.
Jacques Trémolin
Finding Fela d’Alex Gibney ***. DVD et VOD disponibles le 6 juillet (Distribution Luminor/Films Distribution).

Sly Stone “Coming Back for More” (documentaire 2015)
Réalisé par le vidéaste hollandais Willem Alkema avec l’assistance des indispensables Edwin et Arno Konings, fans et archivistes patentés de la saga Sly Stonienne, ce documentaire consacré à Sly Stone est enfin disponible en version DVD import après plusieurs années de gestation. Mi-biographie de Sly and the Family Stone, mi-enquête sur les traces du reclus Sylvester Stewart, Sly Stone : Coming Back For More dresse en 75 minutes le portrait d’un créateur tourmenté, de l’enfance texane au comeback mitigé des années 2000. Fil rouge de l’arc narratif, la traque d’une ancienne superstar disparue des radars occasionne des séquences dignes d’un thriller musico-policier, avec ses filatures, ses coups de fils nocturnes et ses rebondissements inattendus. L’issue finale n’en sera que plus heureuse.
Achevé en 2015, le montage propose également une mise à jour des derniers développements du combat juridique mené par Sly pour l’obtention de ses droits d’auteur. Un épilogue illustré en compagnie d’un Sly Stone à des années-lumières de la figure pathétique aperçue sur les scènes européennes au cours de l’été 2007. Vif, alerte et drôle (“Comment je me sens sur scène ? Environ un mètre 50 au-dessus du niveau de la terre”), Sly Stone, malgré un handicap dorsal occasionné par une chute de quad en 2007, revient avec humour et lucidité sur ses années d’errance et réagit à chaud à une playlist composée de titres de son impressionnant catalogue.
Émaillé de témoignages de première main, dont les membres originaux de la Family Stone Larry Graham, Jerry Martini, Greg Errico et la regrettée Cynthia Robinson, mais aussi George Clinton, Nile Rodgers, le saxophoniste Pat Rizzo et Clive Davis, le documentaire de Willem Alkema révèle également une foule d’archives vidéo à faire pâlir les collectionneurs, dont de stupéfiantes images amateurs tournées en club en 1967, des extraits inédits de Woodstock et des versions exubérantes de “Sing a Simple Song” et “Dance to the Music” tournées au Lyceum de Londres en septembre 1970 et disponibles en intégralité dans les bonus.
Sly Stone de Willem Alkema (DVD Curiouscope, disponible en import japonais. Version européenne disponible prochainement).

Prince “Sign of the Times” (Japanese Blu-Ray)
L’annonce au printemps dernier de la sortie d’une nouvelle édition Blu-Ray de Sign of the Times en provenance du Japon avait de quoi surprendre. Deux ans après une sortie HD australienne satisfaisante, ce coffret collector signé Happinet mise d’emblée sur un packaging deluxe comprenant un cahier photo tiré du film de 32 pages, un livret rédigé en japonais, un jeu de cartes postales et deux boitiers (plastique et digipack) contenant la proposition cinématographique la plus réussie de la carrière de Prince.
Bien que tronqués dans la mesure où 80 % de son contenu a été reconstitué dans les studios de Paisley Park, ces concerts captés à Rotterdam et Anvers au printemps 1987 restituent pleinement le dynamisme et le niveau d’exigence élevé des performances scéniques de Prince. De l’arrivée en fanfare des membres du groupe au terme d’une tétanisante introduction guitare / boîte à rythmes au final élégiaque de « The Cross », Sign of the Times tire le meilleur parti de ses performances reconstituées en magnifiant ses chorégraphies et la foule de détails (des costumes aux interludes musicaux) qui contribuent au perfectionnisme des shows princiers.
Sans surprise, cette nouvelle version Blu-Ray propose un transfert HD très réussi des séquences playback filmées à Minneapolis. Visionnés sur l’écran large d’un rétroprojecteur, les codes couleurs rouge/jaune/orangés ne souffrent d’aucune saturation pendant “Play in the Sunshine”, “Housequake” et “I Could Never Take the Place of Your Man”. Les tons bleutés de “Forever in My Life” et “The Cross” ressortent également vainqueur d’une édition qui comprend également un trailer (sous-titré en japonais) en guise de bonus. Rien à redire non plus sur une bande-son remixée en DTS qui, peut-être de manière inconsciente, relèvent quelques détails oubliés comme la cloche de “Hot Thing” ou les nappes d’orgue d’”If I was Your Girlfriend”.
En revanche, les authentiques scènes live demeurent brumeuses et granuleuses, ce qui n’empêche pas d’admirer les splendides brushings et mullets typiquement eighties du public batave. Plus grave : le clip de “U Got The Look” souffre d’une pixellisation hideusement baveuse, comme c’était déjà le cas dans la version cinéma originale et les différentes éditions proposées depuis, dont celle d’Universal en 2005. Rappelons ici que Sign of the Times n’est pas une production Warner Bros., ce qui explique l’absence du master original du vidéoclip dans ce Stop Making Sense princier.
En résumé, une acquisition de choix pour les fans collectionneurs en dépit d’un prix coûteux (environ 60 € en import chez Gibert Joseph, 75 € en FNAC) qui offre cependant la garantie d’une nouvelle Beautiful night.
Jacques Trémolin
La review et le descriptif d’un fan anglais
Searching for Sugar Man
Searching for Sugar Man, le magnifique documentaire de Malik Bendjelloul, retrace l’incroyable histoire de Sixto Rodriguez, auteur de deux albums cultes, Cold Fact et Coming From Reality, publiés chez Buddha et Sussex en 1970 et 1971. Songwriter maudit au croisement de Bob Dylan pour ses textes acerbes et de Sly Stone pour son folk-funk assisté par les Motownmen Dennis Coffey et Bob Babbit, Rodriguez a disparu de la circulation au lendemain de l’insuccès de Coming From Reality. Celui qu’on a longtemps cru mort (suicide sur scène ? Overdose en prison ?) s’est reconverti en ouvrier du bâtiment à Détroit et écoulera sans le savoir près de 500 000 exemplaires de Cold Fact en Afrique du Sud, avant d’effectuer un comeback triomphal en 1998 grâce à la détermination insensée de deux fans. Superbement photographié, Searching for Sugar Man est un document passionnant où se mêlent l’horreur de l’apartheid, les arnaques des labels (Clarence Avant, le boss historique de Buddah Records, n’en sort pas grandi) et la stupéfiante humilité d’un artiste floué par l’industrie du disque. Et pour une fois, l’histoire se termine bien : Sixto Rodriguez est remonté sur scène (il sera au Zénith de Paris le 4 juin) et coule des jours paisibles dans le Michigan dans un humble pavillon rénové par ses soins. Floué, mais heureux.
SlyStoned