D’Angelo vient de nous quitter à l’âge de 51 ans, victime d’un cancer du pancréas. Début 2000, quelques jours avant la parution du monumental Voodoo, son deuxième album, D’Angelo décrochait son téléphone pour répondre aux questions de Funk★U. Archive.
Funk★U : Brown Sugar, ton premier album, est sorti en 1995. Qu’as-tu fais pendant ces quatre dernières années ?
D’Angelo : La tournée promotionnelle de Brown Sugar a été très longue. On a joué dans soixante villes et il m’a fallu un peu de temps pour m’en remettre. Je suis rentré chez moi dans le New Jersey et mon fils est né peu de temps après. Je suis ensuite entré en studio au tout début 1998.
Quatre ans, c’est long dans l’industrie du disque…
Oui, j’en suis conscient. Tu sais, l’inspiration, ça va, ça vient. J’ai préféré prendre mon temps pour enregistrer cet album.
Tu as enregistré Voodoo au studio Electric Ladyland fondé par Jimi Hendrix en 1968. As-tu ressenti quelque chose de spécial dans cet endroit ?
C’était incroyable mec, incroyable… Le simple fait de se retrouver dans cet endroit a quelque chose de magique, d’indescriptible. En tout cas, ce fut une grande source d’inspiration et d’énergie.
Tu es d’accord si je te dis que la musique de Voodoo est plus sombre que celle de Brown Sugar ?
Oui, oui. Complètement… Lorsque je suis entré dans le music-business avec Brown Sugar, je n’avais aucune idée de ce que ça représentait. Une fois dedans, j’ai compris que le business de la musique n’était pas forcément lié à la musique elle-même. J’ai peut-être perdu un peu d’enthousiasme au bout de quelques années, mais mon amour de la musique est plus fort que tout aujourd’hui. J’ai ressenti pas mal de frustration, c’est vrai. J’ai aussi découvert une nouvelle ville en habitant quelque temps à New York, et cette tension que l’on y ressent en permanence a sûrement affecté ma musique.
On trouve dans Voodoo un morceau sans titre (« Untitled »). Tu n’as pas eu le temps d’en trouver un ?
(Rires). Non. La raison pour laquelle je n’ai pas de titre me paraît évidente. Le refrain est une question, « How does it feel ? », qui revient plusieurs fois. Je ne donne pas de réponse à cette question, d’où l’absence de titre.
On ressent l’influence de Prince sur ce titre. Qu’as-tu appris de lui ?
Tout. J’ai beaucoup appris de Prince tant au niveau de la musique que de la façon de gérer son propre business. Je l’écoute depuis toujours et j’ai passé beaucoup de temps à étudier son style avant de me lancer. Son approche de la musique m’a énormément appris.
Tu l’as déjà rencontré ?
Oui, on a joué ensemble à New York, au Tramps, il y a deux ans. On a joué « Brown Sugar » et « The Ballad of Dorothy Parker ». Incontestablement un des plus grands moments de ma vie.
Aura-t-on droit à une tournée mondiale cette année (2000, ndr.) ?
Oui, absolument. Je ne sais pas encore quand, mais j’ai bien l’intention de jouer partout.
Comment définirais-tu ta musique ?
Je dirais que c’est principalement du funk. De la soul-funk.
Quel est l’instrument le plus important dans ta musique ?
Je n’en sais rien. Tout est important. À la base, je joue des claviers, mais ça ne veut pas dire que toute ma musique se base là-dessus. Vraiment, je n’en sais rien.
Aimerais-tu produire d’autres artistes ?
Oui. C’est prévu très prochainement. C’est même déjà commencé.
Tu peux en parler ?
(Hésitant). Non. Je n’ai pas envie d’en parler maintenant.
As-tu d’autres centres d’intérêt dans la vie en dehors de la musique ?
(Évasif)… Le cinéma, même si une carrière là-dedans ne m’intéresse pas.
Cet album s’appelle Voodoo. Pourquoi ?
Pour plein de raisons, mais la principale vient du fait que je voulais établir une connexion entre la musique et la cérémonie vaudoue, le rapport entre la musique, la danse et une cérémonie spirituelle. Nous étions en studio en train d’enregistrer, et par moments, c’est comme si nous nous adonnions à un rituel… Je voulais que cette musique touche les esprits. J’espère que j’y suis parvenu.
Tu crois au vaudou ?
(Silence). Oui.
Propos recueillis par Christophe Geudin en janvier 2000.