
Michael Jackson : les bonus de “Thriller 40″ titre par titre
40 ans après sa sortie, Thriller resurgit dans les bacs, avec une édition anniversaire sous la forme d’un double-CD. L’Estate de Michael Jackson jure que les 10 pistes bonus présentes sur cette cuvée 2022 sont totalement inédites, une promesse loin d’être tenue après écoute. Pour des raisons contractuelles et financières, les titres réalisés avec Quincy Jones restent (encore) au placard. Seuls deux titres, “Starlight” et “She’s Trouble”, déjà envisagés pour la réédition des 25 ans de Thriller en 2008, ont réussi à passer les mailles du filet. Découvrez le contenu de ce CD au mastering déconcertant, comme si les fichiers et bandes avaient été transférées sans chercher à homogénéiser l’ensemble.
★★★★★★
1/STARLIGHT
Composée par Rod Temperton, “Starlight” est la première version de la chanson “Thriller”. Elle devait même donner son titre à l’album. Mais en studio, la sauce ne prend pas, et, selon la légende, Temperton rentre un soir chez lui et se réveille le lendemain matin avec un seul titre en tête: “Thriller”. La légende est née. Disponible depuis longtemps sur le marché pirate, “Starlight” apparaît pour la première fois sur support officiel. Avec son instrumentation moins aboutie et des paroles aux antipodes du délire horrifique du “Thriller” final, cette version dévoile les coulisses d’un titre qu’on ne présente plus et qui est accessoirement devenu l’hymne d’Halloween.
2/GOT THE HOTS (DEMO)
Rod Temperton intervient à nouveau sur ce groove qui permet à Michael Jackson de donner – l’air de rien – une performance vocale plus aussi remarquable que sous-estimée, toute en sensualité et excitation contenues. Cette demo, sortie au Japon sur la réédition Thriller 25 (2008) se retrouve par la suite sur plusieurs compilations “King of Pop”, en Italie et en France (2009). En 1982, MJ range cette demo dans ses archives. Rod Temperton la retravaille pour le premier album de Siedah Garrett (Kiss Of Life, 1988) et la rebaptise “Babys’s Got It Bad”.
3/WHO DO YOU KNOW (DEMO)
Une boîte à rythme qui rappelle la fameuse Roland TR 808 introduit cette demo composée par Michael Jackson, et dont certains accents mélodiques font penser à d’autres titres confidentiels, comme “I’m So Blue” et “Fly Away” (tous les deux présents sur la réédition Bad 25). Au détour du pont musical, un sifflement rappelle celui entendu en intro de “Stranger in Moscow”, publié sur l’album HIStory en 1995. Une bonne idée ne se perd jamais, et la cuisine de ce “Who Do You Know” présente certaines idées rythmiques et mélodiques que le Roi de la Pop va prendre le temps de peaufiner pour ses futurs hits. “Who Do You Know”, “I Lost My Baby” chante Michael à plusieurs reprises : voilà une ballade assez triste et mélancolique, un registre souvent développé dans la riche discographie du Roi de la pop.
4/CAROUSEL
Sublime ballade, moelleuse à souhait et évincée à la dernière minute au profit de “Human Nature”, “Carousel” est un morceau de choix. Co-écrit par Don Freeman et Michael Sembello, elle déroule le fil inusable de l’histoire d’amour impossible. La demo enregistrée par Sembello entendue sur son propre site web dans les années 2000 fait des clins d’oeil aux Doobie Brothers, tandis que la proposition de Quincy Jones se la joue plus poppy. Déjà publiée en 2001 dans une version (très) raccourcie sur une réédition de Thriller, une autre, plus longue mais toujours amputée de quelques mesures, fait surface, toujours et encore, sur les compilations italiennes et françaises “King of Pop” (2009). La voici de retour sur Thriller 40, mais dans une qualité sonore en deçà de ce qui existe déjà.
5/BEHIND THE MASK (MIKES’ MIX – DEMO)
Titre mythique né en 1979 entre les mains de Yellow Magic Orchestra en 1979, “Behind the Mask” fait partie des chansons que Michael Jackson a longuement hésité à placer en place de choix sur “Thriller”. Interprété par de nombreux artistes dont Greg Phillinganes, la version enregistrée par MJ apparaît sur le très controversé album Michael (2010, sur lequel figure les trois fameux titres fake des frères Cascio). La demo qui rejoint le tracklist de Thriller 40 porte bien son nom : la production se rapproche de celle de Yellow Magic Orchestra, mais les arrangements ne sont pas aboutis, et Michael tape des pieds assez fort pour que ça s’entende bien dans le mix. La guitare rythmique présente ici est conservée dans le mix de 2010. Quant au final, il rappelle celui de la version de Phillinganes sorti en 1985.
6/CAN’T GET OUTTA THE RAIN
“You Can’t Win” est le tout premier single de Michael Jackson chez Epic en 1979. Le label décide d’exploiter ce titre rescapé du projet The Wiz en format maxi single : un ambitieux mix composé de deux parties et alors distribué. La fameuse Part 2 est simplement recyclée par Quincy Jones et Michael Jackson pour créer “Can’t Get Outta The Rain”. Entre ces deux titres, un seul mot change : le “Rain” de 1982 remplace le “Game” de 1979. Quelques légers ajustements dans le mix, est l’affaire est jouée. Ce titre a servi de Face-B de plusieurs singles pendant la promotion de Thriller, avant d’être enfin pressé sur CD à la fin des années 2000. Anecdote : Michael n’est en réalité pas le premier Jackson a sortir un titre solo chez Epic : fou de rage de le voir partir à New York tourner The Wiz, son père Joe use de son influence pour que le plus jeune des frères, Randy sorte en 1978 un timide 45-tours solo, “How Can I Be Sure”, un an avant la sortie d’Off the Wall.
7/THE TOY (DEMO)
Première version de “Best Of Joy”, également exploitée pour l’album posthume Michael, “The Toy” fut composée pour le film de Richard Pryor du même nom. Souvent présente sur les listes de titres inédits qui dorment dans les coffres du Roi, “The Toy” est une ballade simple, dont les lignes mélodiques peuvent rappeler certaines chansons des Bee Gees. La prise vocale de Michael est évidemment différente de celle de “Best of Joy”, avec sur cette demo une mise en avant des chœurs, où la voix de tête est omniprésente et se démultiplie.
8/SUNSET DRIVER (DEMO)
Titre envisagé pour Off the Wall, puis retravaillé pendant la préparation de Thriller (d’où ce mix datant de 1982). Michael Jackson ne cesse de poser “Sunset Driver” sur sa table de travail. En 1990, alors qu’il planche sur Dangerous, il le confie à Teddy Riley : “Sunset Driver” change de direction et de nouveaux éléments mélodiques sont introduits. Ces derniers sont conservés sur le titre “Blood on the Dance Floor” publié en 1997. Mais en 1982, “Sunset Driver” baigne encore dans un funk torride et survolté, avec la basse qui slappe à merveille. À noter que cette demo figure déjà dans le coffret Ultimate Collection (2004).
9/WHAT A LOVELY WAY TO GO (DEMO)
Sur une base piano / beatbox, “What A Lovely Way To Go” fait partie des chansons composées par Michael Jackson au milieu des années 1970. À cette époque, il cherche à quitter Motown avec ses frères pour un label qui leur donnera une réelle liberté artistique. Le jeune Michael, alors âgé de 17 ans, écrit des ballades dont les mélodies rendent souvent hommage à ses modèles, comme Stevie Wonder lorsqu’il livre “Blues Away” sur le premier album des Jacksons chez CBS en 1976. “What A Lovely Way To Go” puise son inspiration dans une zone assez floue, entre Elton John et les Beatles. Un titre anecdotique mais surprenant, avec des choeurs riches et très présents, et un Michael qui lance des “Everybody” pour donner encore plus de force au refrain, qui entre facilement dans la tête pour ne plus en sortir.
10/SHE’S TROUBLE (DEMO)
Titre composé par Terry Britten, Bill Livsey et Sue Shiffin, “She’s Trouble” fait partie des tracks sélectionnés en demi-finale pour Thriller. Finalement mis de côté, il sera proposé à d’autres artistes comme Scott Baio ou encore le groupe anglais Musical Youth qui finiront tous par l’inclure sur leurs albums respectifs. Contrairement à la version disponible en bonne qualité sur les marchés parallèles, la prise vocale sur ce mix est complète, finalisée. Pas tellement funk, et prenant des airs de sucrerie pop, “She’s Trouble” fait tourner son groove sans prétention, mais ne peut définitivement pas se mesurer aux chansons validées par le duo Jackson / Jones.
★★★★★★
Thriller 40 est disponible en double-CD et vinyle simple (sans les pistes bonus). Le label MoFi en profite pour commercialiser un vinyle One Step et un nouveau SACD en séries limitées. Une version digitale avec 15 pistes bonus permettent de redécouvrir des versions demos de quelques uns des titres empiriques (“Billie Jean”, “Beat It”, “Wanna Be Startin’ Somethin’” et “P.Y.T”) en plus de remixes ou version singles déjà éditées par le passé. Les clips mythiques “Beat It” et “Thriller” sont également disponibles en 4K sur les plateformes. Dans le cas de “Thriller”, le résultat est bluffant.
Richard Lecocq

L’album “Thriller“ de Michael Jackson raconté dans un documentaire inédit
Parallèlement à la sortie le 18 novembre de l’édition 40ème anniversaire de l’album Thriller de Michael Jackson, un nouveau documentaire officiel sera proposé par Sony Music Entertainement. Réalisé par le journaliste, historien de la musique et cinéaste Nelson George, ce film retracera les coulisses de l’album phénomène et de ses plus célèbres hits, dont “Beat It“, “Billie Jean“ et “Thriller“.
« La sortie de Thriller a redéfini Michael Jackson, le faisant passer de star adolescente à superstar adulte », déclare Nelson George dans un communiqué. « L’album et les courts métrages qu’ils ont inspirés ont créé un nouveau modèle reliant la musique et l’image. Ce fut un privilège d’explorer cet album extraordinaire et de revisiter sa magie. »
A l’instar de Bad 25 et Michael Jackson’s Journey from Motown to Off the Wall, ce nouveau documentaire bénéficiera d’archives inédites et d’interviews exclusives. Sa date de sortie (aux alentours de celle de l’édition 40ème anniversaire de Thriller) et son mode de distribution seront révélés prochainement.

Les inédits de Michael Jackson dans “Thriller 40″
Sony Music et l’Estate of Michael Jackson viennent d’annoncer le début des célébrations du 40ème anniversaire de Thriller, l’album le plus vendu de tous les temps, avec la sortie le 18 novembre de Thriller 40, un coffret double-CD comprenant l’album original et un deuxième disque incluant plusieurs maquettes inédites liées au LP écoulé à plus de 100 millions d’exemplaires à travers le monde.
Une version exclusive de l’album original, avec sa pochette alternative 40ème anniversaire, sera disponible en format LP, ainsi qu’une édition SACD et un coffret vinyle MoFi UltraDisc One-Step en édition limitée pour les audiophiles. (informations).
Tracklisting CD Bonus :
- Starlight
- Got The Hots (Demo)
- Who Do You Know (Demo)
- Carousel
- Behind The Mask (Mike’s Mix (Demo))
- Can’t Get Outta The Rain
- The Toy (Demo)
- Sunset Driver (Demo)
- What A Lovely Way To Go (Demo)
- She’s Trouble (Demo)

“Michael”, le biopic officiel de Michael Jackson
This is it : Michael, le biopic consacré à Michael Jackson, sera produit par Graham King (Bohemian Rhapsody), assisté de John Branca et John McLain, les représentants des ayants-droits du Michael Jackson.
Basé sur un script de John Logan (Gladiator, Skyfall) et distribué par Lionsgate, ce projet bénéficie de l’aval de la famille Jackson : “dès son enfance, Michael adorait la magie du cinéma. Notre famille est honorée de voir son histoire portée au grand écran”, explique Katherine Jackson, la mère de l’artiste disparu en 2009.
“Michael offrira au public un portrait détaillé d’une personnalité complexe devenue Roi de la pop. Le film reproduira à l’écran les plus célèbres performances de Michael Jackson et donnera un aperçu du processus créatif et de la vie privée de l’entertainer”, indique également un communiqué de presse au sujet d’un long-métrage actuellement en cours de pré-production.

Dans les coulisses de “The Jacksons Live!” avec l’ingénieur du son Bill Schnee
De Miles Davis Steely Dan, Bill Schnee a mixé pour les plus grands. En 1981, il s’associe aux Jacksons pour immortaliser leur triomphale tournée américaine. En résulte un double-album aux allures de testament scénique précoce (et le seul album live validé par Michael Jackson de son vivant), paru un an avant la sortie de Thriller. Pour ses 40 ans, The Jacksons Live! ressort en double vinyle, au moment où Bill Schnee publie ses mémoires.
★★★★★★★★
Funk★U : Vous publiez ces jours-ci votre livre Chairman at the Board. Pourriez-vous nous en présenter le concept ?
Bill Schnee : J’ai toujours aimé raconter des histoires et j’ai la chance d’avoir eu une longue carrière qui s’étale sur plus de 50 ans, avec des moments formidables. Pas mal de gens me demandaient régulièrement d’écrire un livre, mais cela ne m’intéressait pas car je trouvais que la démarche pouvait paraître trop intéressée. Puis, il y a quelques années, trois personnes différentes, sur une période de quatre semaines, m’ont suggéré à nouveau cette idée, et la troisième a ajouté quelque chose qui a résonné en moi. Elle m’a dit la chose suivante : “l’industrie du disque telle que nous la connaissons est née dans les années 1950, a grandi dans les années 1960 et a atteint son zénith dans les années 1970 et au début des années 1980. Ce fut une courte période, une période très emblématique, que nous ne revivrons jamais… et vous y étiez”. Le “vous y étiez” m’a frappé, et j’ai alors réalisé que je pouvais raconter des histoires qui n’avaient rien à voir avec moi directement, et dont j’avais entendu parler.
À quel moment vous êtes-vous impliqué dans le projet The Jacksons Live! ? Était-ce une demande du groupe, ou avez-vous été recommandé par le label ?
Freddy DeMann, le manager du groupe, m’a appelé et m’a demandé si cela m’intéresserait de réaliser ce projet. Je lui ai immédiatement dit oui et nous nous sommes rencontrés dans un restaurant pour discuter des détails.
Cet album est-il le fruit de plusieurs captations réalisées pendant différents spectacles ?
Le manager et moi avons décidé qu’il serait préférable d’enregistrer une série de spectacles au milieu de la tournée, alors que toute la troupe était au sommet de sa forme. J’ai choisi une série de dates dans le Nord-est parce que les villes étaient assez proches. Cela nous permettait de remballer le matériel rapidement après chaque spectacle pour nous rendre et nous installer à temps dans la ville suivante. Je ne sais pas combien de dates il y avait, mais je sais que la liste sur Wikipédia est fausse, car il y avait un spectacle à Nashville – je crois que c’était juste après les dates de New York. J’ai assisté à ce concert à Nashville avec des amis. Quand nous avons commencé à réécouter les différents concerts, Michael Jackson m’a demandé de couper sa voix. Je lui ai dit qu’il devrait les écouter parce que la plupart étaient excellentes. Mais il m’a dit non… et que sa voix devait être parfaite. J’ai abandonné le projet au moment où les overdubs allaient être enregistrés pour des raisons personnelles, et je suis revenu derrière la console pour réaliser le mix final.
Certaines parties ont donc été réenregistrées en studio ?
Ils ont fait quelques corrections en post-production. Je crois que certaines guitares, toutes les voix d’arrière-plan et certaines voix de Michael ont été refaites.
Cet album est mixé de manière à ce que le son soit spectaculaire et fasse travailler votre imagination (avec notamment les nombreux effets sonores…). Pendant le mixage, quelle était votre ambition ? Plus qu’un enregistrement d’un spectacle en direct, est-ce que vous et le groupe avez essayé d’en produire une bande originale immersive ?
Je voulais seulement faire une excellente représentation de la façon dont ils sonnaient pendant la tournée. Les albums live vivent ou meurent avec la performance de l’artiste lors de leurs spectacles. Il n’y avait en fait aucun effet spécial.
Certains musiciens de cette tournée, comme Bill Wolfer (claviers) et Jonathan Moffett (batterie), nous ont dit à quel point il était difficile de maintenir le groove sur certains titres, car le groupe voulait qu’ils jouent les chansons de façon rapide. Lors du mixage, était-ce difficile de maintenir ce son riche et groovy riche en basse ?
C’est drôle que vous me racontiez cette histoire concernant les musiciens, et cette demande du groupe à jouer les chansons plus vite. J’ignorais ce détail. Mais quand j’ai réécouté l’album 30 ans plus tard, après ne pas l’avoir joué pendant plusieurs années, j’ai été effectivement surpris de la vitesse sur certains titres.
En guise de teaser de votre travail avec Michael et ses frères, pouvez-vous partager un moment que nos lecteurs pourront découvrir et lire en entier dans votre livre ?
Un de mes chapitres préférés est celui consacré aux Jacksons. Il y a d’ailleurs un clin d’oeil sympa avec le récit de ma rencontre avec Michael dix ans avant le projet Live. Sur la tournée de 1981, le camion d’enregistrement disposait d’une caméra pointée vers la scène pour que je puisse voir qui faisait quoi. Les premiers soirs, j’oubliais littéralement de mixer parce que j’étais totalement hypnotisé en regardant Michael : il dansait comme un fou sur scène tout en chantant de façon parfaite. Absolument incroyable !
L’album Live des Jacksons est le seul publié par les frères (Motown a sorti un album live d’une tournée au Japon, mais ce n’était pas une sortie mondiale). Quelle était leur motivation et leur ambition lorsqu’ils ont commencé à travailler sur ce projet ?
Je pense que tout le monde savait qu’après la sortie d’Off The Wall, Michael allait s’envoler seul et que le groupe ne durerait peut-être pas longtemps. Ironie du sort, quelques années plus tard, ils sont tous venus dans mon studio pour travailler sur leur dernier single en tant que groupe, “State of Shock” (je crois) juste avant de lancer le Victory Tour.
Concernant le séquençage : était-ce compliqué d’agencer les chansons, en tenant compte du fait qu’à l’époque, l’album allait être pressé sur un double vinyle ? Par exemple, le medley des Jackson 5 est divisé entre deux, “I’ll Be There” étant le premier morceau de la face 3, avec la fameuse transition vers “Rock With You” ? Est-ce que certaines chansons ont été laissées de côté ?
Ils ont créé la setlist, et le seul problème était la division entre les quatre faces, et c’est pour cela que nous avons dû diviser le medley Jackson 5 ainsi. Je n’ai pas le souvenir de chansons mises de côté.
Pouvez-vous confirmer que lors des sessions de l’album Live, Michael est allé enregistrer quelques voix pour Joe King Carrasco sur une de ses chansons ?
Je n’en ai aucune idée. (Carrasco se souvient comment Michael a réussi à s’échapper du fameux studio 55 pour poser sur le titre “Don’t Let A Woman Make A Fool Out Of You”. Lorsque son père Joe apprend la nouvelle, il monnaie la prestation de son fils auprès de Joe “King” Carrasco contre la somme de 135 $, NDLR.)
Quand vous repensez à ce projet, quels sont les souvenirs qui vous viennent à l’esprit ?
La première chose à laquelle je pense, c’est à quel point Michael était talentueux, c’était absolument incroyable. Personne à ma connaissance n’est capable de faire ce qu’il faisait – chanter avec une voix parfaite tout en dansant comme il le faisait sur scène ! La plupart des artistes qui dansent pendant leurs concerts utilisent des voix préenregistrées lancées depuis un ordinateur… Bien sûr, tous les déplacements se faisaient en première classe et j’ai ainsi voyagé avec le groupe – dans le bus ! Je me suis habitué à entrer et à sortir des hôtels par les cuisines, car dans chaque ville, les fans savaient où les frères séjournaient et ils les restaient là à les attendre. J’ai vécu comme une rockstar pendant cette tournée !
Propos recueillis par Richard Lecocq
https://www.billschnee.com - The Jacksons Live! réédité en vinyle le 26 mars (Legacy Recordings/Sony Music).

Manu Dibango « La soul et le funk étaient une révolution »
Paru en décembre 2016, le coffret Merci Thank You ! permettait de (re)découvrir l’impressionnante discographie du légendaire saxophoniste entre jazz, funk, reggae et afrobeat. Dans cette interview exclusive, Manu Dibango, victime du coronavirus le 24 mars 2020 à l’âge de 86 ans, dévoilait à Funk★U ses influences soul-funk, son amour de la blaxploitation et son retour à l’Apollo Theater. Bien entendu, nous avions aussi (un peu) parlé de « Soul Makossa »…
★★★★★★★★★
Funk★U : On vous a récemment aperçu aux côtés des Nubians et Ben L’Oncle Soul sur la mythique scène de l’Apollo. Cela faisait 43 ans qu’on ne vous y avait pas vu…

Manu Dibango à l’Apollo (2015)
Manu Dibango : C’était une série d’émotions qui arrivent en rafale. Quand tu remontes la 125ème rue, ça te rappelle forcément les années 1970, la blaxploitation, Shaft… Ça m’a aussi rappelé mon concert avec les Temptations et Edwin Starr et je me suis rendu compte que je n’avais plus jamais revécu des moments comme ceux-là. Tu reviens avec une nouvelle génération de musiciens et tu vois ton nom, plus de quarante ans après, sur la devanture de l’Apollo… C’était une formidable expérience, j’ai joué avec des jeunes que j’ai connus bébé. Une des Nubians avait quatre ans quand j’ai fait l’Olympia en 1977. A la fin du concert, elle était venue me remettre un bouquet sur scène. On ne s’était jamais retrouvés sur scène avec les Nubians, et pour la première fois, on se revoit à Harlem ! En 1972, il n’y avait pas encore d’immigration africaine aux États-Unis. 43 ans après, il y a un public africain à l’Apollo. Quand je jouais des morceaux à consonance africaine, tous les africains se levaient, tandis que les afro-américains regardaient seulement, mais quand je jouais mes trucs plus funky – à consonance « américaine »- c’était le contraire ! (rires).
Vous dites : « je ne suis pas un jazzman, mais un amateur de jazz ».
Je fais du jazz parce que j’aime ça, mais je suis un touche-à-tout avant tout. Je n’aime pas me cantonner dans un style. Pour moi, la musique c’est du partage, c’est la circulation des genres. Si vous écoutez le coffret Merci Thank You !, vous verrez que j’ai essayé de ne pas me limiter et que pendant mes soixante années d’activité dans la musique, j’ai exploré presque tous les styles.
Vous avez travaillé avec Dick Rivers et surtout Nino Ferrer. À l’époque, Eddie Barclay lui ouvre un crédit illimité, et « il voulait absolument un noir » dans son groupe. Pensez-vous que la France tenait là son premier soulman ?
J’ai fait du rock avec Dick. C’était vraiment l’Elvis français. Nino Ferrer était un soulman naturel, un vrai leader comme on les aime : il ne se reposait pas sur l’orchestre, il ne dormait pas derrière l’orchestre, il était l’orchestre ! Vous avez des mecs qui s’adossent sur le groupe, lui c’était un chanteur terrible, il avait du feeling, de la soul et en plus il était musicien. Il savait ce qu’il voulait harmoniquement et rythmiquement pour chaque instrument. Nous devions faire le maximum : accompagnateur, c’est un métier formidable, tu fais tout pour mettre le leader au centre du show. Quand on s’est rencontrés, il ne savait pas que j’étais saxophoniste, il avait juste besoin d’un organiste. J’étais stressé au début, mais au final, j’ai tenu le truc. Un soir, il m’a vu dans un club jouer du sax et il me dit « Manu ! T’es saxophoniste ? Tu ne me l’avais pas dit ! ». Je lui ai répondu « Tu ne m’as pas demandé ! » (Rires !)
À l’époque, vous étiez l’un des rares musiciens noirs dans le circuit français avec John William et Henri Salvador.
C’est vrai, à l’époque il n’y avait pas de personnalités noire dans la musique en France. Il y avait des américains de passage, mais des Francophones, non !
Quelles sont vos influences soul et funk ?
Il y en a beaucoup vous savez ! On peut remonter jusqu’à Armstrong (rires !). J’adore Ray Charles, mais j’avoue que celui qui m’a le plus impressionné, c’est James Brown. Jimmy Smith avait le groove, Booker T. était un sacré organiste aussi. Otis Redding m’a énormément apporté également. La soul et le funk étaient une sacrée révolution tant dans la composition que dans l’écriture. La plupart des trucs que les jeunes écoutent aujourd’hui viennent de là et ils n’en ont même pas conscience.
Les Beatles aussi avaient de la soul en eux, écoutez « She Came In Through The Bathroom Window » ! Les années 1960-1970 ont été une période où il y avait beaucoup de créativité partout. Aujourd’hui, on a un savoir-faire, mais on est moins créatifs. Les machines ont pris le pouvoir. La boite à rythmes est omniprésente, il y a même des techniciens qui ne savent plus enregistrer une batterie ou comment placer les micros… L’époque a changé : on travaille plus le son que la musique.
Maurice White a disparu il y a peu. Un commentaire ?
J’adore Earth Wind & Fire et tout ce que ces gars ont pu apporter à la musique contemporaine. C’était le compromis entre le son Stax et le son Motown. C’était une nouvelle tendance que Kool & The Gang a su aussi capter. Je les avais rencontrés en 1974. Sur scène c’était un vrai show, je n’imagine même pas le boulot des ingés-son derrière !
Justement, Funk★U a eu la chance d’interviewer Maurice White en 2007. Il nous racontait qu’il y avait jusqu’à 28 micros sur scène.
C’est dingue ! Les ingés-son étaient vraiment partie intégrante du groupe. Sur la route, j’emmène toujours le même ingénieur depuis plus de trente ans.
Abordons votre discographie : en 1972, vous avez enregistré un titre pour la coupe d’Afrique des Nations.
Oui, je compose « Soul Makossa », une face-B qui ne connaît pas de gros succès en Afrique et qui ne devait même pas exister. Dans les quartiers en Afrique, les gamins en riaient. En revanche, le titre a explosé aux États-Unis en 1973. C’était un morceau rassembleur qui a parlé à un public particulier dans un contexte particulier, un contexte où les afro-américains avaient les yeux rivés vers l’Afrique, ils l’idéalisaient comme une terre promise. D’ailleurs, après « Soul Makossa », il n’y a plus eu de tube africain mondial comme celui-ci. Je crois que quand tu vas en studio, tu n’y vas pas pour faire un tube. Je pense que le tube te rencontre malgré toi.
Une dizaine d’année plus tard, vous découvrez avec étonnement que ce titre avait été échantillonné sur « Wanna Be Startin’ Somethin’ » de Michael Jackson dans Thriller, l’album le plus vendu de tous les temps.
Il n’avait pas samplé ! C’est une écriture, un arrangement, c’était une adaptation sans rien me demander. Les avocats ont fait leur travail par la suite (rires !). Rihanna ne m’avait pas non plus demandé mon autorisation pour utiliser « Soul Makossa » (dans « Don’t Stop the Music », 2007 ndr.)…
Vous avez aussi composé des bandes-originales de films, notamment celle de Kusini dans une veine très blaxploitation.
J’ai adoré composer cette B.O en 1975. Je l’ai enregistré cela à New-York, où j’habitais à l’époque. J’avais fait un casting de musiciens et j’avais retenu notamment Tony Williams, le batteur de Miles Davis. Le résultat était vraiment cool, ça swinguait à mort !
Cerrone a récemment sorti un single, « Funk Makossa ». Comment cette collaboration s’est-elle organisée ?
Il a samplé « Soul Makossa », mais en me demandant avant ! (rires). Il a parfumé un peu le tout, mais la majeure partie du morceau c’est « Soul Makossa ». Ca me rassure ! Quarante ans après, on continue à penser à « Soul Makossa », c’est vraiment un morceau qui a traversé les époques.
Propos recueillis par Jim Zelechowski, photo d’ouverture : Bojan Slavkovic.

Shaolin Soul Plays Motown en décembre
À l’occasion du 60ème anniversaire de la création du légendaire label Motown, la collection Shaolin Soul s’enrichit d’un nouveau volume entièrement consacré au catalogue de l’enseigne de Berry Gordy.
À nouveau compilée par Uncle O, la sélection de Shaolin Soul Plays Motown aligne 21 “deep tracks” signées (entre autres) Michael Jackson, Eddy Kendricks, Willie Hutch, The Undisputed Truth, The Temptations, Marvin Gaye et Syreeta – tracklisting complet ci-dessous.
Shaolin Soul Plays Motown sera disponible le 6 décembre en éditions double-vinyle et CD (distribution Because Music).
Tracklisting
1. Switch « A Brighter Tomorrow (Interlude)»
2. The Dynamic Superiors « If I Could Meet You »
3. Eddie Kendricks « My People… Hold On »
4. Smokey Robinson & The Miracles « Who’s Gonna Take The Blame »
5. Willie Hutch « Sunshine Lady »
6. The Undisputed Truth « Walk On By »
7. The Temptations « Gonna Keep On Tryin’ Till I Win Your Love »
8. Diana Ross « Friend To Friend »
9. Michael Masser « My Hero Is A Gun »
10. Michael Jackson « People Make The World Go Round »
11. Yvonne Fair « It Should Have Been Me »
12. The Sisters Love « Give Me Your Love »
13. High Inergy « You Can’t Turn Me Off (In The Middle Of Turning Me On) »
14. Syreeta « I Love Every Little Thing About You »
15. Marvin Gaye « God Is Love » (Single Version)
16. Four Tops « Still Water (Love) »
17. Valerie Simpson « Silly Wasn’t I »
18. Gladys Knight & The Pips « And This Is Love »
19. Rose Banks « Darling Baby »
20. The Marvelettes « After All »
21. Smokey Robinson « Baby Come Close »

Vidéo : Quincy Jones Symphonique à l’AccorHotel Arena (27/06/2019)
Le 27 juin dernier, Quincy Jones donnait un concert-événement à l’AccorHotel Arena de Paris.
Accompagné d’un orchestre symphonique et de nombreux invités (dont Marcus Miller, Selah Sue et Richard Bona), le producteur Midas revisite son catalogue, de ses réalisations pour Michael Jackson (de nombreux extraits de la trilogie Off The Wall, Thriller et Bad avec la chanteuse Shelea) en passant par ses tubes solo (dont “Soul Bossa Nova” et “Ai No Corrida”). “Je t’aime Paris, c’est comme ça !”.
Une sélection de 90 minutes de ce concert exceptionnel est disponible via Arte TV. Lien ci-dessous.
Thanks Chris B. !

Quincy Jones modifie son concert-hommage à Michael Jackson
Initialement annoncé comme une exclusivité mondiale, le concert-hommage de Quincy Jones à Michael Jackson à l’O2 de Londres le 23 juin sera finalement similaire à ceux de la tournée européenne* du producteur d’Off the Wall, Thriller et Bad.
Suite à la polémique engendrée par la diffusion du documentaire Leaving Neverland, la production du concert a préféré modifier son programme et son affiche en supprimant toute mention de Michael Jackson. Désormais sous-titré Soundtrack of the Eighties, celui-ci comportera néanmoins plusieurs titres du King of Pop repris en version symphonique en compagnie de quelques special guests.
* Selon nos sources, Quincy Jones ne devrait diriger que deux titres sur scène lors de ces concerts.
L’ancienne affiche du concert
La nouvelle affiche du concert

Forever, le spectacle live sur Michael Jackson bientôt en France
À la veille du dixième anniversaire de la disparition de Michael Jackson, le spectacle alliant musique et danse Forever rendra hommage cet automne au King of Pop. Sous-titré « The Best show about the King of Pop », ce show arrive en France dès le 26 novembre 2019. Six représentations auront lieu au Casino de Paris du 28 novembre au 1er décembre, suivies de treize dates de France.
Accompagné par une formation live et près de 25 performers sur scène, ce spectacle est le seul approuvé par la famille Jackson, et respecte avec précision les chorégraphies du King of Pop. Au programme, un spectacle de plus de deux heures marqué par les plus grands titres de Michael Jackson, dont Billie Jean”, “Thriller” , “The Way You Make Me Feel”, “Smooth Criminal”, “Beat It” ou encore “Rock With You”. Infos et réservations
Dates de tournée :
- 26 Novembre 2019: Niort
- 28, 29, 30 Novembre 2019: Paris
- 1er Décembre 2019: Paris
- 02 Décembre 2019: Nantes
- 03 Décembre 2019: Tours
- 05 Décembre 2019: Lievin
- 06 Décembre 2019: Lyon
- 07 Décembre 2019: Montélimar
- 10 Décembre 2019: Marseille
- 11 Décembre 2019: Montpellier
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Quincy Jones et Michael Jackson réunis à Londres le 23 juin
L’espace d’une soirée unique organisée à la O2 Arena de Londres — où Michael Jackson devait effectuer sa dernière tournée — Quincy Jones prendra la tête d’un orchestre philharmonique, le 23 juin, pour un hommage à son protégé. Deux jours avant le dixième anniversaire de sa disparition, l’emblématique producteur du Roi de la Pop, ses musiciens et des invités suprise joueront dans la foulée Off The Wall, Thriller et Bad devant 20 000 personnes.
Quoiqu’il en advienne, cette soirée s’annonce comme l’un des événements musicaux de l’année par sa démesure et sa charge symbolique. En froid avec l’Estate de Michael Jackson, Q n’en demeure pas moins le seul à pouvoir honorer la mémoire d’un enfant star qu’il considère, sans doute encore aujourd’hui, comme le sien. This is it !
Les places seront mis en vente pour le grand public dès vendredi 15 février à 10h (heure française). Tarifs entre 80 et 600 euros - informations

Interview : “Michael Jackson, la totale” par ses auteurs
Fans de Michael Jackson depuis 1983, François Allard et Richard Lecocq ont travaillé pendant 18 mois sur La Totale, un ouvrage compilant 263 chansons et 41 clips. Retour avec ses deux auteurs sur la genèse d’une œuvre titanesque.
★★★★★★★
Funk★U : Quel est le point de départ de Michael Jackson, La totale ?
Richard Lecocq : Depuis l’adolescence, nous avions constaté que les ouvrages sur la musique de Michael Jackson étaient quasiment inexistants. En français, le livre de Christian Perrot faisait référence, mais il datait de 1984. En anglais, Sequins & Shades: The Michael Jackson Reference Guide de Carol D. Terry, le plus complet en la matière, était sorti en 1987. Depuis, personne ne s’était sérieusement penché sur l’œuvre de Michael Jackson jusqu’au moment où Hachette m’a contacté pour réaliser un ouvrage sur ses chansons pour leur collection La Totale.
Comment expliquez-vous cette absence criante de livres sur la musique du Roi de la Pop ?
François Allard : À partir de Thriller, sa carrière s’inscrit en dehors des États-Unis, en Asie, mais surtout en Europe où il va largement peser à partir de la sortie de Bad, à la fin des années 80. La France devient d’ailleurs le réceptacle de toute cette culture européenne.
Richard Lecoq : Depuis son enfance chez Motown, Michael Jackson est présenté comme une icône. À partir de Thriller, il va entretenir et alimenter son personnage de méga-star, y compris pour une partie de ses fans. Cette icône finira par se retourner contre lui, alors même qu’il n’a cessé de composer depuis l’adolescence et qu’il écrira ses œuvres les plus personnelles au moment où il ne donne à montrer qu’une caricature de lui-même. Dès lors, il n’est pas étonnant que les médias et les éditeurs se soient pratiquement focalisés sur ses frasques plutôt que sur ses talents de songwriter.
Comment votre travail s’est-il articulé ?
François Allard : Nous avons entamé l’écriture du livre au printemps 2017. Richard a commencé par “Beat It” et j’ai écrit mon premier texte sur « Say, Say, Say ». Nous avons d’ailleurs pesé de tout notre poids pour que les clips de Michael Jackson soient associés à son œuvre musicale, car les deux sont indissociables pour comprendre l’homme dans toute sa complexité et sa diversité. Pour autant, Hachette souhaitait que nous nous focalisions uniquement sur sa carrière solo. Mais rapidement, ils ont pris conscience qu’il n’était pas possible de faire l’impasse sur les albums des Jackson 5 et des Jacksons. Même s’il est moins pertinent, son parcours musical avec ses frères va poser les bases de son œuvre personnelle et la marquer durablement. Nous avons adoré travailler sur ces albums souvent oubliés du grand public. Jamais personne n’avait pris le temps d’écrire sur Forever Michael publié en 1975, par exemple.
Vous avez écrit 608 pages sur 263 chansons et 41 clips, comment avez-vous organisé votre travail ?
Richard Lecocq : L’un comme l’autre, nous avions déjà publié de nombreux articles sur la musique de Michael Jackson. Pour autant, il n’était pas question d’en faire une compilation. Nous sommes repartis de zéro ou presque, en confrontant nos acquis et nos certitudes, en croisant nos sources tout en poursuivant notre travail de recherche afin de proposer un contenu factuel, le plus précis possible, au regard de nos connaissances actuelles. Nous nous sommes entretenus avec des fidèles collaborateurs de l’ombre comme le pianiste John Barnes ou Christopher Currell, spécialiste du Synclavier, élément majeur du son de l’album Bad.
Nous avons découpé ce projet en sections pour gagner en homogénéité. J’ai, par exemple, travaillé sur toutes les intros d’albums et François s’est penché sur toutes les collaborations. Jusqu’alors, elles étaient réduites à une simple liste reléguée à la fin des livres. Pour La Totale, nous avons voulu donner à ses collaborations la place qu’elles méritent, au cœur de l’œuvre de Michael Jackson. Au final, c’est un plus d’un an de travail, plus d’un million 600 mille signes et toute notre vie de fan depuis 1983 (rires).
Michael Jackson, La totale est richement illustré avec des photographies rares. Quelle souplesse avez-vous eu pour faire votre sélection ?
Richard Lecocq : Nous avons eu carte blanche. A l’exception des photos inaccessibles du clip de “Say, Say, Say”, nous avons pu choisir des visuels qui apportaient du sens à nos propos. C’est une vraie chance. Nous avons, par exemple, publié pour la première fois une image alternative de Thriller réalisé par le photographe Dick Zimmerman. Le chorégraphe Vincent Paterson nous a aussi offert des dessins préparatoires.
Votre ouvrage montre à quel point Stevie Wonder tient une place à part dans l’œuvre de Michael Jackson. Comment l’expliquez-vous ?
François Allard : L’emprunte musicale de Jackson, c’est Stevie Wonder. Il lui met le pied à l’étrier alors même qu’ils sont encore des enfants stars chez Motown. Il est à la fois un grand frère et une sorte de mère musicale. Avec lui, Michael Jackson apprend d’abord toute la mécanique de la production notamment lorsqu’il assiste aux sessions d’enregistrement de Songs In The Key of Life. Il lui en sera éternellement redevable et leur lien demeurera indéfectible du début à la fin, quand bien même leurs deux duos sur Bad et Characters sont ratés.
Richard Lecocq : Quand Michael parle de Stevie, il semble possédé. Au fond, il n’a jamais oublié ses racines. En rachetant les droits des Beatles, Michael Jackson a aussi rendu les siens à Little Richard, tout un symbole. Le jour des obsèques médiatisées de Michael Jackson, l’hommage de Stevie Wonder sauvera du naufrage une cérémonie indécente et indigne. L’autre fil rouge bienveillant de Michael, c’est l’arrangeur Tom Bähler. Présent de Rockin Robin’ (1972) jusqu’à Invincible (2001) en passant par The Wiz et “We Are The World”.
Qu’avez-vous découvert sur Michael Jackson en écrivant cet ouvrage ?
François Allard : Sans hésitation, l’influence de Christopher Currell sur Michael pendant l’enregistrement de Bad. Il va lui apprendre à gérer la musique assistée par ordinateur avec des samples via le Synclavier. Il va clairement l’émanciper de Quincy Jones en l’aidant à créer ses propres démos à la maison.
Richard Lecocq : Les tensions entre Michael Jackson et sa maison de disques sur le financement de ses vidéos sont anciennes alors même que les clips jouent une influence majeure dans le succès de son œuvre, comme chacun sait. En témoigne le court métrage de « Can You Feel It », un ovni tourné pendant neuf mois au lieu de trois et entièrement financé par Michael Jackson.
Si Michael Jackson était encore vivant, où en serait sa carrière musicale aujourd’hui ?
François Allard et Richard Lecocq : Nulle part. Michael Jackson savait qu’Invincible serait son dernier album. A cinquante ans, il n’avait vraisemblablement plus l’envie de repartir sur la route pendant des mois et il aurait, sans doute, voulu se recentrer sur un travail autour de l’humanitaire via l’image animé et le cinéma, s’il avait eu la liberté de le faire.
Votre ouvrage ne lève pas le voile sur les inédits d’ Off The Wall. Est-ce une légende urbaine ?
Richard Lecocq : L’album a été réalisé très rapidement, contrairement à Thriller. À notre connaissance, il existe seulement quelques inédits introuvables comme « Going To Rio » ou « Iowa », composés à cette époque semble t’il. Toutes les démos ont été testées en piano-voix. Ces versions devaient sortir en 2016 et nous avons eu un morceau de craie avec le CD à la place (rires) !
L’exposition sur Michael Jackson au Grand Palais à Paris se clôture le 14 février. Qu’en avez-vous pensé ?
François Allard et Richard Lecocq : C’est une honte. Ça devient lassant ce genre de projet sans âme. C’est gênant même car on peut légitiment se demander ce qui va rester dans la mémoire collective, dix ans après sa disparition. Michael Jackson était un chanteur, un auteur, un artiste à part entière. Beaucoup de gens semblent l’avoir oublié.
Propos recueillis par Joachim Bertrand
Michael Jackson, La totale – Les 263 chansons et 41 clips expliqués de François Allard et Richard Lecocq (E/P/A – Hachette). 608 pages, 44,90 €. Disponible.